Des pages et des îles

La grâce des brigands de Véronique Ovaldé

 

Résumé :

Quand Maria Cristina Väätonen reçoit un appel téléphonique de sa mère, dont elle est sans nouvelles depuis des années, l’ordre qu’elle avait cru installer dans sa vie s’en trouve bouleversé. Celle-ci lui demande instamment de venir chercher pour l’adopter Peeleete, le fils de sa soeur.

Nous sommes en juin 1989, Maria Cristina vit avec son amie Joanne à Santa Monica (Los Angeles). Cela fait vingt ans qu’elle a quitté Lapérouse, et son univers archaïque pour la lumière de la ville et l’esprit libertaire de la Californie des années 70. Elle n’est plus la jeune fille contrainte de résister au silence taciturne d’un père, à la folie d’une mère et à la jalousie d’une sœur. Elle n’est plus non plus l’amante de Rafael Claramunt, un écrivain/mentor qu’elle voit de temps à autre et qui est toujours escorté par un homme au nom d’emprunt, Judy Garland. Encouragée par le succès de son premier roman, elle est déterminée à placer l’écriture au cœur de son existence, être une écrivaine et une femme libre. Quitte à composer avec la grâce des brigands.

L’auteur :

La Grâce des brigands est le quatrième livre qu’elle publie aux Éditions de l’Olivier, après Et mon cœur transparent (prix France Culture – Télérama 2008), Ce que je sais de Vera Candida (Grand Prix des lectrices de Elle 2010, prix France Télévisions 2009, prix Renaudot des lycéens 2009) et Des vies d’oiseaux (2011).

Mon avis :

Un grand merci aux Éditions Points qui m’ont permis de lire enfin cette auteure : eh oui, je l’avoue, c’est mon premier texte de Véronique Ovaldé.

Je peux dire que ce ne sera pas le dernier !

J’ai lu rapidement ce livre, happée par l’histoire.

Maria Cristina, est une héroïne flamboyante qui nous entraîne dans son sillage.

L’intrigue : une auteure qui a coupé tout échange avec sa famille, est rattrapée par ses origines et revient vers les siens.

Lorsque sa mère lui demande de venir, pour s’occuper de son neveu, malgré ses craintes de retrouver le décor de son enfance terne et triste, elle prendra la route tiraillée et inquiète.

Il faut dire que la Californie où elle vit depuis 20 ans l’a séduite par son soleil, sa richesse et ses couleurs vives. C’est là qu’elle a trouvé la célébrité comme auteure.

Elle a donc oublié sa jeunesse et vite tourné la page.

Peut-on tirer un trait sur son passé aussi facilement ? Son devoir d’assistance à sa famille va bouleverser sa belle vie californienne. Est-elle si heureuse après tout malgré la reconnaissance et l’argent ?

Une belle histoire tendre, pas si drôle finalement et très touchante.

J’ai aimé le style : très fluide, imagé, les chapitres courts et le rythme.

Véronique Ovaldé a un grand talent de conteuse.

Vivement son prochain roman, en attendant précipitez-vous sur celui-ci.

 

Notation :

Les liens du mariage de J. Courtney Sullivan

Résumé :

Cinq destins reliés par un diamant, cinq parcours qui illustrent l’évolution du couple et du mariage depuis les années 1950. Un roman ambitieux, maîtrisé et très accessible

L’auteur :

J. Courtney Sullivan a débuté comme journaliste au New York Times avant de se lancer dans l’écriture d’un roman. Les liens du mariage est son troisième livre, après les succès de Les débutantes.

Mon avis :

Captivant, vivant et émouvant : un excellent livre difficile à lâcher.

Déjà conquise par ces deux premiers livres, j’ai décidé de suivre cette jeune auteure américaine.

Comme ses précédents romans, on retrouve des destins féminins habilement disséqués. Le point de vue tourne cette fois autour du mariage et des valeurs associées. L’originalité du livre tient dans sa construction et les liens unissant les différents personnages.

L’histoire, cinq destins découpés en cinq parties, relate des vies de couple depuis les années 50 jusqu’à nos jours. Les héros sont Frances, une publicitaire qui invente un slogan inégalé à ce jour, Evelyn une enseignante qui se marie deux fois, James un ambulancier désargenté, Delphine la seule française passionnée de musique et enfin Kate résolument contre le mariage.

Ces cinq histoires sont l’occasion de décrire la société américaine des années 50 à aujourd’hui, j’ai partagé avec un grand plaisir le quotidien des différents protagonistes et je les ai suivis au fil des années avec une grande délectation.

Séduite par la finesse psychologique et la grande maîtrise du récit, je n’ai qu’une recommandation : précipitez-vous pour découvrir ce roman passionnant, original et qui nous tient en haleine jusqu’au bout.

Un grand merci aux éditions Rue Fromentin.

 

 

Vie et destin de Célestin Arepo de Jérôme Millon

Un régal et une grande bouffée d’air frais, telles sont les premières phrases qui me viennent après avoir refermé ce petit livre.

Un premier roman étonnant qui mêle poésie, émotion et belle histoire.

Dans la première partie du livre, Célestin est un obscur comptable dans une usine, il s’habille en gris et mène une vie très monotone et triste. Une vie terne en résumé , sa seule passion : les mots croisés. Sa vie va commencer à basculer quand il décide de préparer ses obsèques, original, non ?

Dans le cimetière où il décide de reposer, il croise Mathieu, le gardien, petit à petit, ces deux là se parlent. Des liens se tissent et Mathieu décide de faire partager à Célestin sa passion : la pêche.

Après cette expérience, Célestin se révèle dans la poésie. La quête spirituelle se transforme en ode à la vie : être bien soi-même permet de s’ouvrir aux autres et de trouver l’âme sœur. L’amour chamboule alors sa vie.

Elle se prénomme Rose, son amour, cette rencontre lui donnera l’occasion de s’interroger sur sa foi. L’histoire se poursuit avec la métamorphose de Célestin.

Sa vision du monde évolue, ses interrogations nous questionnent aussi et nous rapprochent. Tout au long du livre, je me suis sentie proche de Célestin, une histoire simple et pleine d’humanité à laquelle j’ai été très sensible.

Un livre qui se déguste, avec lenteur, ouvert et refermé plusieurs fois : comme c’est un livre court, cela permet de faire durer le plaisir de lecture. C’est ma méthode pour en profiter plus longtemps.

Je me suis attachée aux personnages dont l’humanité est palpable, Mathieu le copain pêcheur qui déclenchera toute son évolution et sera près de lui toute la vie de Célestin. Rose, son amoureuse, lui permet de poursuivre son évolution culturelle et son goût des mots.

Une belle leçon de vie et un éloge de l’amitié et des vraies valeurs de la vie.

L’écriture fluide et savante, mais pas trop, concourt au plaisir de la lecture. Un recit émouvant aussi et tendre. Quant au livre, agréable au toucher et doté d’une belle couverture, c’est un bel objet. Les pages en vélin, au beau papier, se différentient des autres publications.

La maison d’édition la Fosse aux Ours a été créée en 1997 à Lyon et rassemble dans son catalogue plus de cent titres en littérature française et étrangère.

Je ne résiste pas au plaisir de vous livrer une citation : “Ils arrivèrent enfin à la source miraculeuse. Là encore des questions sans réponses, questions douloureuses qui accablaient Célestin. Pourquoi distribuer ces miracles comme ces récompenses faites aux bons élèves ? Cela n’est-il pas infantilisant ? Et si cette eau est miraculeuse, pourquoi ne profite-t-elle pas à tous ? Qui sera noyé ? Qui sera sauvé ?”.

L’auteur vit à Grenoble et est éditeur de livres de philosophie et d’histoire.

Ce récit de 120 pages est un vrai plaisir qui se lit vite et enchante, n’hésitez pas, plongez-vous dans cet ouvrage.

Merci aux éditions La fosse aux ours et à Chroniques de la Rentrée littéraire pour cette belle découverte.

 

Notation :

Une saison à Longbourn de Jo Baker

Biographie:

Jo Baker est née dans le Lancashire. Une saison à Longbourn est son quatrième roman, le premier publié en France. Elle vit aujourd’hui à Lancaster.

Résumé :

Sur le domaine de Longbourn, vivent Mr et Mrs Bennet et leurs vénérables filles, en âge de se marier. À l’étage inférieur veillent les domestiques. Personnages fantomatiques dans le célèbre roman de Jane Austen, Orgueil et préjugés, ils deviennent ici des êtres de chair et de sang qui, du matin au soir, astiquent, frottent, pétrissent et vivent au rythme des exigences et des aventures de leurs bien-aimés patrons. Mais ce que les domestiques font dans la cuisine, sans être observés, pendant qu’Elizabeth et Darcy tombent amoureux à l’étage, relève d’eux seuls… Une histoire d’amour peut en cacher une autre, et qui sait quel secret enfoui risque de ressurgir.

Mon avis :

Un roman original : on se retrouve ici face aux héros du roman “Orgueil et préjugés” vus par la domesticité. Intéressant et instructif, le point de vue de ces petites gens qui triment pour contenter leurs maîtres.

Les personnages principaux : M. et Mrs Hill sont l’intendant et l’intendante de la famille Bennet, aidés par Sarah et Polly, deux gamines récupérées à l’orphelinat. Tous ces domestiques s’occupent de la famille Benett et de leurs cinq filles. On retrouve nos héroïnes : la douce Élisabeth, Jane, Mary et les petites. La vie quotidienne s’égrène au rythme des sorties de ces demoiselles et de la recherche du mari idéal. Sarah, la jeune femme de chambre, personnage central du livre, se lève aux aurores et prépare tout avant le réveil des Bennet. Les tâches ménagères défilent : lessive, cuisine, couture. Un nouveau valet débarque un matin, la domesticité entière s’en retrouve bouleversée pour diverses raisons.

L’histoire décrit essentiellement la vie des serviteurs des Bennet : c’est donc l’envers du décor du célèbre roman.

Peinture sociale d’une époque troublée et évocation des guerres napoléoniennes : j’ai été séduite par la puissance romanesque qui se dégage de ce récit. Tous les ingrédients d´un livre captivant y sont : amour, histoire et même grande Histoire, intrigue, secrets enfouis se dévoilant au fur et à mesure.

Un texte servi aussi par une belle écriture et qui renforce le plaisir de lecture.

A lire absolument, et pourquoi pas relire aussi le roman de Jane Austen pour une plongée totale dans l’Angleterre du 19ème siècle.

Un grand merci aux éditions Stock et à Libfly pour “Cosmopolite change de peau”

 

Notation :

Le peintre d’éventail de Hubert Haddad

Résumé :

C’est au fin fond de la contrée d’Atôra, au nord-est de l’île de Honshu, que Matabei se retire pour échapper à la fureur du monde. Dans cet endroit perdu entre montagnes et Pacifique, se cache la paisible pension de Dame Hison dont Matabei apprend à connaître les habitués, tous personnages singuliers et fantasques.

Attenant à l’auberge se déploie un jardin hors du temps. Insensiblement, Matabei s’attache au vieux jardinier et découvre en lui un extraordinaire peintre d’éventail. Il devient le disciple dévoué de maître Osaki.

Mon avis :

Un grand texte sur le Japon superbement écrit. J’ai beaucoup aimé ce livre tant pour le dépaysement que pour la belle écriture imagée, ciselée et tout en finesse.

Beaucoup de poésie et d’émotion traversent toute cette histoire merveilleuse.

Nous rencontrons trois personnages principaux reliés par les peintres d’éventails, d’où le titre.

Tout d’abord le maître Osaki, le peintre d’éventails, aussi créateur et metteur en scène du jardin, puis Matabei qui se lie avec le vieux maître et découvre son œuvre. Le personnage féminin principal est Dame Hison, la responsable de la pension, qui tisse des liens privilégiés avec Matabei et le vieux maître.

Ce roman est essentiellement l’histoire de la transmission de cet art si particulier de peinture sur éventails mais aussi de la création d’un jardin en accord avec la nature et les saisons. Un troisième personnage arrive, Hi-han, un jeune homme inculte et simple.

Le récit est rythmé par la voix de ces différents personnages qui s’expriment chacun à leur tour et semblent se répondre. Leurs destins vont se croiser et s’emmêler.

Une fabuleuse plongée au cœur du Japon grâce à ses descriptions de la nature et aux haïkus qui émaillent le roman. Un auteur japonais aurait-il pu faire mieux ?

Émerveillée par ce récit superbe, j’ai surtout été touchée par la magie des mots qui se prêtent si bien à l’ambiance japonaise. La nature, la peinture et les personnages, tout est magnifiquement raconté. Après un tel texte, mes mots me semblent si ternes !

A découvrir absolument donc.

Un grand merci aux éditions Folio pour ce magnifique roman. A mettre dans toutes les mains …

 

Notation :