Des pages et des îles

Julie Ewa : Les petites filles

Les petites filles
Les petites filles

 

Résumé : Bénévole dans une association qui s’occupe d’enfants, Lina est partie poursuivre ses études à Mou di en Chine. Thomas, lui, enquête pour une ONG sur les disparitions d’enfants (principalement des petites filles) qui sévissent depuis des décennies dans cette région reculée. La jeune femme accepte de lui servir d’espionne sur place où elle découvre vite les ravages de la politique de l’enfant unique. Mais ses questions vont semer le trouble dans le village.

L’auteur : Jeune auteure alsacienne de 24 ans, Julie Ewa est diplômée en philosophie.

 

Mon avis :

Glaçant tout en étant passionnant : une lecture qui marque.
Au travers de ce texte, on découvre les conséquences de la politique de l’enfant unique en Chine et cela fait froid dans le dos !

Nous suivons l’histoire de Sun, jeune mère enceinte d’un deuxième bébé, le premier étant une fille, elle ne l’a pas déclaré pour ne pas être punie à l’arrivée du second. En parallèle, Lina, jeune française, enquête sur des disparitions d’enfants en lien avec Sun.

Lorsque le premier bébé est une fille, les familles implorent le ciel de leur envoyer un garçon, qui est le seul à garantir leur avenir. C’est ce qu’on enseigne aux Chinois depuis Confucius. Une fille part dans sa belle-famille lors du mariage alors que le garçon reste près des siens. La politique de l’enfant unique a accentué la dévalorisation des bébés filles.

L’auteure en a tiré une histoire haletante, avec une tension sans relâche pour le lecteur, particulièrement efficace. Des chapitres courts, une écriture fluide renforcent une lecture addictive.

J’ai tremblé pour Sun, désespérée par la disparition de sa fille et prête à tout pour la retrouver : jusqu’où une mère ira-t-elle pour sauver son en enfant ?

Lina, l’autre héroïne, contemporaine mène une enquête pour tenter de percer le mystère de la disparition de Sun et des petites filles. Les personnages d’hier et d’aujourd’hui se croisent grâce à une intrigue habilement construite.
J’ai apprécié la description du contexte et de la vie en Chine, analyse des conséquences de l’obligation pour les familles chinoises d’élever un seul enfant.
Bien construit et documenté, un thriller aux multiples qualités.

Bravo à cette jeune auteure.

Sélectionné par le Grand Prix des lectrices ELLE 2017
Notation :

Pascale Robert-Diard : La déposition

La déposition
La déposition

Résumé : « Quand Guillaume Agnelet a quitté la barre, j’ai baissé la tête, je tremblais. Sur mon carnet j’ai griffonné mise à mort d’un homme. Deux jours après la déposition du fils, la cour d’assises a déclaré son père, Maurice Agnelet, 76 ans, coupable de l’assassinat de sa maîtresse et l’a condamné à vingt ans de réclusion criminelle. L’affaire avait trouvé son épilogue judiciaire. Mais une autre histoire était venue la culbuter, tout aussi dense et douloureuse. Elle se passait juste à côté, elle avait duré presque aussi longtemps et on n’en avait rien su, rien deviné. J’avais la scène sans les coulisses. La lumière, sans les ombres. J’ai voulu comprendre. »

 

L’auteur : Entrée au Monde en 1986, Pascale Robert-Diard a longtemps été journaliste politique. Depuis 2002, elle est chargée de la chronique judiciaire. Elle a obtenu en 2004 le prix Louis-Hachette pour ses compte-rendus du procès Elf. Elle a publié Dans le ventre de la justice, en septembre 2006 (Editions Perrin)

 

Mon avis :

Un document passionnant qui se lit comme un roman.

Je me suis glissée rapidement dans l’histoire en écoutant la vision de Guillaume, comme le proposait l’auteure, qui est chroniqueuse judiciaire.

L’histoire, ou plutôt l’affaire, nous la connaissons tous car elle a été très médiatisée : Agnès Le Roux disparaît en 1977 et on soupçonne Maurice Agnelet son amant. Dans cette affaire, il est question d’argent aussi puisque la famille d’Agnès possède un casino. On n’a pas retrouvé le corps d’Agnès et Maurice a toujours été relaxé jusqu’en 2014. Son fils cadet a ensuite fait basculer le destin de son père.

La journaliste et auteure ayant assisté à ce bouleversement de leurs destins, a voulu rencontrer Guillaume pour comprendre le cheminement de son revirement.

Le fils cadet, en se confiant, nous raconte sa vie d’enfant d’accusé. La médiatisation de l’affaire a rendu la vie compliquée pour toute la famille. Ses parents ont divorcé, son grand frère a été très malade et sa mère tente de le protéger vis à vis de son père.

Guillaume est au cœur de la tourmente, son père l’utilise pour se justifier devant la justice et l’on découvre un homme dominateur et fourbe. Ses proches sont sous son emprise.

Une histoire familiale compliquée, pleine de non-dits qui a bouleversé la vie de ses deux familles.

C’est à la fois touchant et glaçant, un portrait saisissant d’un coupable qui utilise sa famille pour parvenir à ses fins.

Une lecture à recommander à tous.

 

Sélectionné par le Grand Prix des lectrices ELLE 2017
Notation :

Marie Laberge : Ceux qui restent

Ceux qui restent
Ceux qui restent

 

Résumé : En avril 2000, Sylvain Côté s’enlève la vie, sans donner d’explications. Ce garçon disparaît et nul ne comprend. Sa femme Mélanie s’accroche férocement à leur fils Stéphane ; son père Vincent est parti se reconstruire près des arbres muets ; sa mère Muguette a laissé échapper le peu de vie qui lui restait. Seule la si remuante et désirable barmaid Charlène, sa maîtresse, continue de lui parler de sexe et d’amour depuis son comptoir.

L’auteur :
L’écrivaine, auteure dramatique, comédienne et metteure en scène Marie Laberge est une grande dame des lettres québécoises et l’un des noms de la scène littéraire francophone. Son œuvre connaît un succès public constant à l’image de sa trilogie “Le Goût du bonheur”. Ceux qui restent est son douzième roman.

 

Mon avis :

Quel régal ! Ce texte est à la fois un chant d’amour magnifique et un concentré d’émotion.

J’ai été très touchée par ce livre qui aborde le thème de la reconstruction après le suicide d’un homme. Roman choral qui donne la parole à ses proches, ceux qui restent, sa femme, son père, sa mère et la barmaid avec qui il sortait. Nous découvrons des êtres anéantis par le choc qui trimballent tous des failles accentuées par la disparition de Sylvain. Chacun cherchant à comprendre et se reprochant de ne pas avoir deviné son mal-être.

Comment survivre après le suicide d’un proche ?

Quel avenir pour chacun ? Le parcours de rédemption est souvent long et difficile et nous ne sommes pas égaux devant une telle épreuve.

Qu’est-ce qui peut les sauver ? L’amour, l’entraide et du coup l’envie de vivre revient.

Pour les parents, parvenir à se pardonner est le plus difficile.
Charlène, la barmaid, bien que bouleversée aussi, est la plus lucide et la plus forte.

J’ai beaucoup aimé la leçon de vie que l’auteure nous propose : penser aux bons moments de vie, soutenir ceux qui sont encore plus malheureux et avancer toujours.

Un gros livre qui se lit vite avec des chapitres courts, alternant les positions de chacun. Lorsque Charlène prend la parole, au début on se dit : je ne parle pas le québécois, puis on s’adapte et sa voix nous enchante. Une force de caractère incroyable et un amour de la vie salvateur, ce personnage allège le texte et lui donne toute sa saveur. Une belle philosophie de la vie, réconfortante, émerge rapidement entraînant le lecteur dans son sillage.

Beaucoup de bienveillance et d’amour du prochain : ces sentiments ont fait écho en moi, une très belle lecture qui, au final, donne envie de sourire.

Merci Marie pour ce texte remarquable qui émeut et redonne confiance en notre monde.

 

Notation :

Hadrien Klent : La grande panne

La grande panne
La grande panne

 

Résumé : Accident ou attentat ? Une explosion dans une mine de graphite italienne provoque l’apparition d’un immense nuage qui menace de s’enflammer au contact des lignes à haute tension. Pour éviter la catastrophe, une coupure électrique générale est décidée dans toute l’Italie, plongeant le pays dans le chaos. Le nuage se déplace vers le nord, et la France décide à son tour de procéder à un black-out sur son propre réseau. Le gouvernement part s’installer sur l’île de Sein, en Bretagne, pour superviser la panne qui s’annonce. Commençant comme une série catastrophe, déroulant l’agenda d’une cellule de crise, La Grande Panne se transforme peu à peu en un roman inattendu mêlant les histoires d’amour aux arcanes du pouvoir, les trahisons amicales aux menaces d’attentat, la surveillance policière aux banalités d’une vie suspendue à l’attente du retour à la normale.

L’auteur : Hadrien Klent est un pseudonyme.

 

Mon avis :

Accident ou attentat ?
Mais comme dit un flic : “Faut être neuneu pour penser qu’une mine abandonnée depuis 50 ans puisse exploser toute seule .”

Idée de départ intéressante à “l’ Américan Tom Clancy ” qui passe trop rapidement au roman, bien français lui !

Embrouilles entre services de police, tirage de pattes entre “Gens de Pouvoir”, incompétents et cyniques, amour entre ex-collègues qui se retrouvent comme par hasard sur l’île de Sein ! Esquisse d’intrusion des services secrets américains …

On apprend quelques trucs sur les crises possibles mais cela ne suffit pas à maintenir l’intérêt pour le récit.

Un roman qui ne captive pas, avec des chapitres courts et des sauts dans le temps et les divers lieux (ne pas oublier de bien lire les débuts de chapitres au risque d’être vite embrouillé)
Une histoire décousue qui donne l’impression que l’auteur a eu du mal à finir son livre.

Une déception globalement pour un roman dont le thème donne envie, peut-être trop d’attente sur ce titre …

Merci à l’Agence Anne et Arnaud et aux éditions Le Tripode.

 

Notation :

Anne de Bourbon-Siciles : J’ai quelque chose à te dire

J'ai quelque chose à te dire
J’ai quelque chose à te dire

 

Résumé : New York, 1970. Greta, 20 ans, issue d’une famille juive de la Côte Est, vit une idylle sans nuage avec Jim. A la suite d’un accident de voiture, dont tous deux sortent indemnes, Greta apprend qu’elle ne pourra jamais avoir d’enfant. Un coup dur que Jim n’a pas le courage de surmonter… Pour se remettre de cette épreuve, Greta part à Paris se consacrer à sa nouvelle carrière de journaliste de mode.

 

L’auteur : La princesse Anne de Bourbon-Sicile est née à Saint-Raphaël. Descendante en ligne directe du roi Louis XIV, cousine du roi d’Espagne et apparentée à la plupart des cours d’Europe, elle a été rédactrice de mode, puis chargée des relations publiques des maisons Versace et Balenciaga. Elle vit entre Paris et la Martinique. Son premier roman, Le Chant du pipiri (L’Archipel, 2014 ; Archipoche, 2015), a été très remarqué.

 

Mon avis :

Beaucoup de sensibilité et d’émotion, une belle lecture que je recommande.

Bien que le bandeau sur le livre stipule “Le roman de l’été”, cette mention ne signifie pas pour autant qu’il s’agit d’une lecture légère qui s’oublie vite. Pas du tout. C’est un roman fort, sur un thème que je ne vous dévoilerai pas pour garder la surprise, une réflexion sur la vie et les choix de chacun face à des circonstances difficiles.

Greta, l’héroïne, est américaine et vit paisiblement avec ses parents lorsque l’histoire débute. Elle a vingt ans, nous sommes à l’époque de la guerre du Vietnam, ses parents sont des intellectuels progressistes. Tout va bien. Lorsqu’elle croise la route d’un jeune homme de bonne famille, beau et sportif, elle tombe sous son charme. Comment lui résister ? Tout se passe bien jusqu’à la rencontre avec les parents de son amoureux. A l’opposé des siens, elle s’aperçoit que Jim est infantilisé et bridé par ses parents qui sont racistes et réactionnaires. Comment envisager un mariage dans ces conditions ? Le destin se chargera de régler ce dilemme. Au prix fort.

Greta, surmonte ce coup du sort et part vers une nouvelle vie à Paris. Je ne vous dévoilerai pas plus de choses sur la suite puisque nous continuons de la suivre sur plusieurs décennies et continents.

Sa vie, décrite avec des détails réalistes et précis sur le milieu de la mode et de certaines célébrités, a été inspirée par celle de notre auteure également journaliste de mode.

Anne nous dépeint une femme libre qui vit pleinement et place l’amour au centre de ses préoccupations. Un modèle pour tous, dont les choix forcent l’admiration.

Une profonde humanité au cœur de ce récit : un roman pour l’été quand on aime le dépaysement, les belles histoires avec une jolie plume et que l’on croit en la vie.
On le repose avec un sentiment d’espoir tout en réfléchissant aux questions soulevées.
Merci Anne pour ce beau texte.

Une lecture proposée par les éditions l’Archipel et Audrey de LP Conseils que je remercie.

Notation :