Des pages et des îles

Kate Moses : Froidure

Froidure
Froidure

Résumé : L’hiver en cette année 1962 à Londres est terriblement froid. Le déménagement est inachevé, l’appartement inconfortable. Aucun ami, pas de téléphone, tout juste de jeunes enfants malades. Sylvia est seule. Ted, son mari, est si loin. Ted l’infidèle, qui n’est plus là pour la secourir. Elle peuple de poèmes ses longues nuits sans sommeil. Chante l’heureux temps de leur mariage, le vieux manoir de Court Green, niché dans la campagne anglaise, en célèbre les fleurs du jardin, les fruits du verger, la douceur des jours … Et pleure son amour perdu. Sylvia est submergée par la tristesse et le désespoir. Elle se sent happée par les démons de la dépression qui la poursuivent depuis si longtemps. Pour Frieda et Nicholas, ses enfants, elle se doit de résister. Elle veut croire en une vie nouvelle, au retour de l’été, des abeilles, du soleil.

L’auteur :

Née en 1962 à San Francisco où elle vit aujourd’hui avec son mari et ses deux enfants, Kate Moses a été éditeur et a collaboré à plusieurs revues littéraires. Elle se consacre désormais à l’écriture. Froidure est son premier roman, inspiré par la vie et l’œuvre poétique de Sylvia Plath.

 

Mon avis :

Une lecture très émouvante qui prend aux tripes. On ne sort pas indemne de ce texte.

L’ombre de Sylvia Plath plane tout du long, la poétesse est là entre ses lignes, fragile et écorchée.

Kate Moses nous raconte la vie de Sylvia dans son quotidien. Lorsque débute l’histoire, elle emménage avec ses deux jeunes enfants alors que Ted, son mari, l’a trahie avec sa meilleure amie. Seule, elle s’occupe tant bien que mal avec des tâches domestiques, du jardinage, des promenades avec ses enfants. Elle se souvient des années heureuses avec Ted, leur rencontre, le voyage de noces.

Les chapitres se succèdent alternant les époques et les états d’âme de Sylvia, entre bonheur et tristesse.

Froidure débute le 12 décembre 1962, deux jours après son départ du Devonshire et se termine le 29 décembre 1962 à Londres. Dès le 31 décembre, Sylvia reprend l’écriture de ses poèmes, ils seront publiés après sa mort par Ted son mari.

Ce beau livre est un superbe hommage à la grande poétesse, le tragique et le merveilleux se côtoient.

Je l’ai lu doucement pour profiter pleinement de l’écriture d’une délicatesse inouïe. Un récit inoubliable et touchant à découvrir absolument.

 

Quelle bonne idée cette réédition chez Petit Quai Voltaire de ce roman publié en 2004.

Merci aux éditions de la Table Ronde pour cette découverte.

 

Notation :

J.J. Murphy : L’affaire de la belle évaporée

L'affaire de la belle évaporée
L’affaire de la belle évaporée

Résumé : En compagnie de ses fidèles amis, Woollcott et Benchley, Dorothy Parker fête le nouvel an à l’hôtel Algonquin. La grande star de théâtre et de cinéma, Douglas Fairbanks, y organise une réception dans sa luxueuse suite. Alors que la soirée bat son plein, l’un des invités, le Docteur Hurst, annonce qu’un cas de variole vient d’être détecté, et l’hôtel est mis en quarantaine. Le cauchemar ne s’arrête pas là : quelques heures après le début des festivités, Bibi Bibelot, l’extravagante vedette de Broadway, est retrouvée sans vie dans un bain de champagne.

 

L’auteur :

Depuis longtemps fan de Dorothy Parker, J.J. Murphy a publié trois romans dans une série sur le « cercle vicieux » de l’hôtel Algonquin, dont le premier (Le cercle des plumes assassines) et le troisième ont été nominés pour le prestigieux prix Agatha (de littérature policière). Sa devise, en citant les membres du groupe, est : « Ne jamais permettre à la Vérité de vous empêcher de raconter une bonne histoire »

 

Mon avis :

Un polar au rythme trépidant qui nous entraîne dans les années 20 au temps de la prohibition.

Nous retrouvons Dorothy Parker, membre de la Table Ronde de l’Algonquin, cercle littéraire renommé. Comme dans “Le cercle des plumes assassines”, le lecteur découvre une ambiance survoltée, une histoire riche en rebondissements avec une intrigue bien ficelée.

La pétillante Dorothy associée à Conan Doyle (oui le grand détective) prend la main et c’est parti pour un formidable voyage dans le temps.

L’intrigue : New York le 31 décembre sous la neige, le réveillon est festif jusqu’au moment où l’on retrouve une starlette morte. Ajoutez à cela une quarantaine qui transforme une enquête classique en huis clos chargé de mystère.

Pour nous lecteurs, l’immersion dans cet hôtel mythique est totale : nous partageons les recherches et indices nombreux avec les détectives en ayant l’impression d’être sur place. Nous sourions des bons mots de Dorothy tout en cherchant à démêler l’enquête.

J’ai apprécié l’ambiance parfaitement rendue, la plume et la transcription de l’époque dans un roman qui mélange personnages réels et fictifs.

En fin de livre, l’auteur nous livre des notes historiques qui nous éclairent sur la réalité : la vie de Dorothy Parker, le cercle de la Table Ronde de l’Algonquin. Dans les remerciements, est mentionné l’hôtel Algonquin qui est toujours là à Manhattan.

À déguster sans hésiter.

 

Merci LP Conseils pour cette lecture.

 

 

Notation :

Dominique Maisons : On se souvient du nom des assassins

On se souvient du nom des assassins
On se souvient du nom des assassins

Résumé : Max Rochefort, dandy parisien et feuilletoniste à succès, croise le chemin de Giovanni Riva, jeune employé du journal Le Matin. L’excentrique Rochefort prend le jeune homme à son service dans son atelier d’écriture. Mais la réalité rattrape les meilleurs scénarios issus de l’imagination de Max: lors d’une soirée mondaine, un cardinal est retrouvé mort, atrocement mutilé dans sa chambre d’hôtel. Sous pression politique, la Sûreté doit désigner un coupable rapidement. Pour sauver une jeune innocente accusée du crime, Max et Giovanni se lancent dans l’enquête…

 

L’auteur :

Dominique Maisons a reçu le Grand Prix VSD du Polar 2011 pour son thriller, Le Psychopompe (réédité par Pocket sous le titre Les Violeurs d’âme). Son précédent roman, Le Festin des fauves, a été sélectionné pour le Prix Polar 2016 de Cognac.

 

Mon avis :

Un thriller historique qui nous balade dans le Paris du début du vingtième siècle.

On s’y croirait ! Parfaite reconstitution et ambiance garantie.

Roman d’aventures regorgeant de situations rocambolesques qui s’enchaînent et laissent peu de répit au lecteur.

Ce qui est plaisant aussi c’est de croiser des célébrités de l’époque comme Gaston Leroux et dès la première scène de crime, le personnage de Rouletabille dans le Mystère de la chambre jaune est évoqué. Un joli clin d’œil.

Les deux héros, Max l’écrivain célèbre qui écrit des feuilletons pour les journaux et Giovanni, un jeune italien qui rêve de devenir journaliste, forment une belle équipe.

Dans leurs péripéties pour percer le mystère de la mort du cardinal, ils croiseront des personnages réels comme un pionnier de l’aviation, un grand psychologue ou un grand éditeur mais aussi des bandits de quartiers populaires ou des prostituées appelées pierreuses car elles exercent dans les bas quartiers.

L’auteur utilise des expressions de l’époque pour nous immerger complètement : pari réussi.

Un roman qui reste un livre policier avec des scènes parfois violentes.

Si vous aimez les romans policiers avec un solide fond historique, n’hésitez pas, ce livre est pour vous.

 

Merci à l’agence Anne et Arnaud pour cette lecture.

 

Notation :

Michel Quint : Un hiver avec le diable

Un hiver avec le diable
Un hiver avec le diable

Résumé : Hiver 1953. Hortense Weber, jeune Alsacienne célibataire venue occuper un poste d’institutrice à Equignies, bourg de l’agglomération lilloise, accouche d’un petit garçon. A la maternité , elle rencontre Robert Duvinage, qui pratique, entre autres, l’escroquerie photographique du « bébé du mois ». Parce qu’elle le perce à jour sans le dénoncer, parce qu’il sent la jeune femme porteuse d’un secret, s’installe entre eux une relation d’affection méfiante. Robert suspend un temps ses activités pour faire le commis dans le bistrot-épicerie du maire communiste d’Erquignies et veiller sur Hortense malgré elle. La guerre d’Indochine bat son plein et divise la population, la guerre froide est vécue au quotidien…

 

L’auteur :

Né en 1949 dans le Pas-de-Calais, Michel Quint obtient le Grand Prix de littérature policière pour Billard à l’étage en 1989 et publie Effroyables Jardins, best-seller international, en 2000. Il habite à Lille.

 

Mon avis :

Décidément, j’aime cet auteur et j’ai apprécié ce livre comme Fox-trot.

On se glisse aisément dans son histoire et on partage la vie de ses personnages avec grand plaisir.

Sa grande force : nous immerger dans son monde grâce à une écriture fluide, vivante, pleine de gouaille. Il en résulte un sentiment d’osmose complète avec l’histoire.

Encore une fois, un solide contexte historique : le procès d’Oradour, l’Indochine qui décime les jeunes du pays, les faillites d’usine; ces grands évènements côtoient une intrigue locale : un pyromane sévit plusieurs fois effrayant tous les habitants de la petite ville.

Pour travailler la trame historique, l’auteur a exploré les écrits d’un des fondateurs du journal “La voix du Nord ” et lu autour des alsaciens appelés les “malgré-nous”.

Mélange de genre : policier, aventure et histoire d’amour. Peut-être tout simplement un roman populaire.

En tout cas, un grand roman.

 

Merci Babelio et les editions de la Presse de la Cité.

 

Notation :

Imbolo Mbue : Voici venir les rêveurs

Voici venir les rêveurs
Voici venir les rêveurs

Résumé : L’Amérique, Jende Jonga en a rêvé. Pour lui, pour son épouse Neni et pour leur fils Liomi. Quitter le Cameroun, changer de vie, devenir quelqu’un. Obtenir la Green Card, devenir de vrais Américains. Ce rêve, Jende le touche du doigt en décrochant un job inespéré : chauffeur pour Clark Edwards, riche banquier à la Lehman Brothers. Au fil des trajets, entre le clandestin de Harlem et le big boss qui partage son temps entre l’Upper East Side et les Hamptons va se nouer une complicité faite de pudeur et de non-dits.

L’auteur :

Née en 1982, Imbolo Mbue a quitté Limbé, au Cameroun, en 1998 pour faire ses études aux États-Unis. Elle a grandi en lisant les grands auteurs africains : Chinua Achebe, Ngugi wa Thiong’o, mais c’est chez Toni Morrison et Gabriel García Márquez que sa sensation d’être écartelée entre deux cultures a trouvé un écho. S’inscrivant dans la lignée d’Americanah de Chimamanda Ngozi Adichie ou du Ravissement des innocents de Taiye Selasi, Voici venir les rêveurs, son premier roman, a fait l’objet d’enchères effrénées auprès des plus grands éditeurs américains. Imbolo Mbue vit à Manhattan.

 

Mon avis :

Un livre auquel on s’attache énormément : beaucoup d’empathie pour les personnages.

Un gros coup de cœur pour ce beau roman plein de tendresse et d’émotion.

Revenons à l’histoire : Jende, camerounais d’origine, vient de décrocher un poste de chauffeur chez Lehman Brothers. Il se retrouve à conduire une grosse voiture et entend des conversations entre des patrons de cette firme. L’histoire se situe en 2007, juste avant la crise.

Les deux familles, celle de Jende et celle de Clark le patron vont se croiser et se fréquenter. Alors que Jende vit à Harlem avec sa femme et son fils dans un petit appartement rempli de cafards, Clark vit au centre de New York dans un appartement magnifique avec femme et enfants. Quand ils partent en vacances, Neni, la femme de Jende leur set de baby-sitter. Elle suit des études de pharmacienne et peine à décrocher une bourse. Il faut dire aussi que Jende est en situation irrégulière et n’a pas de papiers. Tout est difficile pour eux alors que le monde de Clark va s’écrouler avec la faillite de Lehman.

L’histoire ne se déroulera pas comme on peut l’imaginer, la vie de chacune de ces deux familles sera bouleversée. Personne ne sortira indemne.

J’ai aimé les personnages, notamment ceux des deux femmes que tout oppose, la camerounaise Neni et Cindy l’épouse de Clark qui cherche du réconfort dans l’alcool.

Sans plus dévoiler le contenu du livre, sachez que Jende et Neni vont influencer durablement la vie de leurs patrons.

Le style enlevé, rempli de dialogues et d’expressions locales, rend la lecture très fluide.

J’ai vibré avec Jende, Neni, Clark et Cindy : allez-y, c’est un livre à découvrir absolument.

 

Lu pour le jury des lectrices ELLE 2017.

 

 

Notation :