Auteur/autrice : <span>des Pages et des îles</span>

Les douze tribus d’Hattie de Ayana Matthis

Résumé :

Gare de Philadelphie, 1923. La jeune Hattie arrive de Géorgie en compagnie de sa mère et de ses sœurs pour fuir le Sud rural et la ségrégation. Aspirant à une vie nouvelle, forte de l’énergie de ses seize ans, Hattie épouse August. Au fil des années, cinq fils, six filles et une petite-fille naîtront de ce mariage. Douze enfants, douze tribus qui égrèneront leur parcours au fil de l’histoire américaine du XXe siècle. Cette famille se dévoile peu à peu à travers l’existence de ces fils et de ces filles marqués chacun à leur manière par le fort tempérament d’Hattie, sa froide combativité et ses secrètes failles.

L’auteur :

Ayana Mathis a grandi dans les quartiers Nord de Philadelphie. Férue de poésie, elle suit plusieurs cursus universitaires sans en terminer aucun, travaille comme serveuse puis fact-checker dans divers magazines. En 2009, elle participe au programme de Creative writing de l’Université de l’Iowa sous la direction de Marilynne Robinson. Quelques mois plus tard, elle termine son premier roman, Les Douze Tribus d’Hattie. Elle vit et écrit à Brooklyn.

Mon avis :

Les douze tribus sont les onze enfants et une petite fille dont Hattie a pris soin.

Le personnage central, Hattie, est dépeint au travers de ses enfants. Jeune fille noire venue de Georgie en 1925 à quinze ans, elle rencontre son futur mari et très vite des jumeaux naissent. La vie est très difficile pour ce couple si jeune, un drame survient dès le premier chapitre. Le reste de sa vie sera marqué par cet événement.

L’auteure décrit la vie de ces noirs américains à différentes époques : dans les années 20, dans les années 40 puis en 80. L’arrivée à Philadelphie au début du vingtième siècle permet à ces noirs d’échapper au climat racial du sud des États-Unis. Les épreuves continuent dans les années suivantes.

Un très beau roman poignant avec un chapitre par enfant. La construction originale donne un rythme à cette histoire émouvante qui montre une mère très combative face à un mari défaillant et à sa tribu d’enfants. Loin d’être parfaite, le désir de survivre et d’élever ses enfants l’emportera toujours.

Impossible de rester insensible à l’histoire, on en ressort troublé.

Le style est très fluide, aucune longueur, des personnages forts, je comprends l’engouement outre-Atlantique pour ce récit.

Bravo et suivez mon conseil : lisez-le !

 

Notation :

L’an prochain à Grenade de Gérard de Cortanze

Résumé :

Grenade, 31 décembre 1066 : cinq mille Juifs sont massacrés en une nuit. Échappent à la tuerie la jeune Gâlâh et Halim, son ami. Mémoire vivante de son peuple, Gâlâh traverse les siècles. On la retrouve à Séville, à Tolède, à Lisbonne, à Oran, à Constantinople, à Venise, à Haarlem, à Tréblinka, à Sarajevo, à New York, à Grenade à nouveau, à Paris enfin, devant une école, un matin de septembre où un tueur l’attend.

L’auteur :

Auteur de soixante-dix livres traduits en vingt langues, dont Assam (prix Renaudot, 2002), Gérard de Cortanze est membre de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, et dirige la collection Folio biographies chez Gallimard.

Mon avis :

Fresque historique avec une dimension surnaturelle, cette histoire nous plonge au cœur des persécutions subies par les juifs sepharades.

L’héroïne, une jeune fille de quatorze ans, s’éprend d’un jeune musulman. En ces temps reculés, l’amour entre ces deux confessions religieuses est proscrit. L’émir de Grenade, qui gouverne la ville est musulman et lorsque la colère du peuple musulman gronde s’opposant aux juifs, l’émir laisse faire. Lors d’une nuit dramatique, tous les juifs sont massacrés. La jeune Gâlâh survit grâce à son amoureux. Leur épopée pour survivre ensemble continuera de rencontrer l’intolérance et le rejet de la part les chrétiens et des musulmans.

A la fois roman d’amour et livre historique, ce récit parfaitement documenté se lit facilement grâce à son style impeccable. Un bémol sur quelques longueurs qui m’ont gênée dans ma lecture.

Le personnage principal est attachant et l’histoire poignante.

La dimension philosophique a aussi retenu mon attention : cette haine entre ces croyances religieuses disparaîtra-t-elle un jour ? Quelle cohabitation possible pour ces peuples ?

A découvrir pour toutes ces raisons.

Merci Libfly et Albin Michel pour cette découverte dans le cadre du prix du roman historique de Levallois.

 

 

Le roi n’a pas sommeil de Cécile Coulon

Résumé :

Thomas Hogan aura pourtant tout fait pour exorciser ses démons ? les mêmes
qui torturaient déjà son père. Quand a-t-il basculé? Lorsque Paul l’a trahi pour rejoindre la bande de Calvin ? Lorsqu’il a découvert le Blue Budd, le poker et l’alcool de poire ? Lorsque Donna l’a entraîné naïvement derrière la scierie maudite ?

L’auteure : Cécile Coulon, a 23 ans, ce titre est déjà son quatrième livre, il a reçu le prix Mauvais genres 2012 décerné par France Culture et le Nouvel Observateur.

Mon avis :

Un Livre “coup de poing” qui marque.

Une histoire sombre à la limite du thriller, des personnages forts et un récit très tendu.

Le personnage principal Thomas est le fils de William, ouvrier alcoolique et de Mary une mère très attachée à son fils. William est dur, violent tout en aimant ses proches. Mary, quant à elle, adore son fils et le protège. La vie s’écoule tant bien que mal quand un accident vient tout bouleverser. A partir de là tout bascule, les caractères des personnages changent et une spirale infernale les entraine vers l’inexorable chute.

La sensation de malaise qui habite le récit à ce moment là, augmente la dimension réaliste de l’oeuvre.

Les personnages cabossés sont proches de ceux d’écrivains américains comme Steinbeck.

Le style concis et maitrisé impressionne le lecteur.

Un court récit pourtant riche en émotions, ce qui prouve qu’une grande histoire peut s’écrire en moins de 200 pages. Une performance !

Une belle découverte : merci aux Éditions Points et à sa sélection pour le meilleur roman 2014.

 

Notation :

L’euphorie des places de marché de Christophe Carlier

Résumé :

Norbert, directeur commercial de Buronex, écoute la radio dans sa voiture, Agathe, sa secrétaire, passe ses soirées devant la télévision, Ludivine, la stagiaire, surfe sur internet. L’information, provenant de sources différentes, règle leurs relations intimes et professionnelles. Autant dire que ces trois fauves enfermés dans la même cage ont peu de chances de pactiser dans la réalité. L’ambitieux solitaire, la paresseuse débrouillarde et la belle tourmentée sont pourtant condamnés à faire bureau commun. Leur vie ronronne, sur fond de crise économique, jusqu’au jour où l’arrivée d’un client américain suscite toutes les convoitises. Et voilà que les places financières du monde entier semblent s’enflammer.

L’auteur a été couronné du prix du premier roman en 2012 pour “l’assassin à la pomme verte”.

Mon avis :

Réjouissant et fantasque, un livre que je recommande à tous.

Une lecture rythmée et un rythme endiablé : je l’ai lu d’une traite et surtout avec un sourire aux lèvres. Ce qui est rare.

L’histoire : trois personnages principaux Norbert le directeur de l’entreprise, Agathe secrétaire depuis 20 ans et Ludivine la stagiaire, travaillent ensemble dans une petite entreprise. Cette entreprise, au début familiale, rachetée ensuite par un groupe lors de la mort du patron voit alors défiler les directeurs. Agathe, pilier de l’entreprise, pense que Norbert ne restera pas mais elle se trompe. Dès le début, ces deux là se détestent, Norbert réfléchit à pousser Agathe à la faute pour se débarrasser d’elle, quant à la secrétaire, son rythme de travail ralentit à chaque nouvelle sollicitation de Norbert. Ludivine, la jeune stagiaire perturbe les bagarres des deux protagonistes et trouble le directeur.

L’histoire entremêle intelligemment les rebondissements liés à l’arrivée d’un client américain et les délires radiophoniques des journalistes décrivant la crise économique.

J’ai aimé les personnages, l’écriture très fluide et le rythme.

A quand une adaptation cinématographique de cette comédie survoltée ?

Une aventure si plaisante que je l’ai quittée à regret en me disant : voilà un roman qui dégage une énergie “euphorisante” en accord avec le titre !

A consommer sans modération !

Merci Babelio, les éditions Serge Safran avec l’opération Masse critique.

 

 

Notation :

Boléro de Michèle Lesbre

Résumé :

 

Dans l’euphorie du début des années soixante et sur fond de guerre d’Algérie finissante, une gamine, Emma, découvre le cinéma, l’amour fou, la réalité du monde et la mort. La musique entêtante du Boléro de Ravel rythme les deux étés à la campagne pendant lesquels Gary Cooper et Marilyn, plus vrais que la vraie vie, le disputent à Fred et Paul, ses Jules et Jim, sous la bienveillante protection de Gisèle, leur initiatrice et leur mentor. Bien des années plus tard, alors qu’Emma est solitaire et perpétuellement en quête d’un emploi, le passé resurgit, évoqué une fois encore par la musique du Boléro qui ravive les blessures de la guerre d’Algérie. Avec ce portrait tout en nuances d’une adolescente qui s’ouvre à la conscience du monde, et de la femme qu’elle est devenue, Michèle Lesbre, comme dans ses précédents romans, porte un regard subtil sur une vie en apparence ordinaire, une de ces trajectoires singulières qui ancrent l’écriture dans le réel.

Biographie :

Certains ouvrages de Michèle Lesbre ont été récompensés par la critique : Le Canapé rouge (finaliste du prix Goncourt, prix Pierre-Mac-Orlan, prix Millepages 2007), La Petite Trotteuse (prix des libraires Initiales Automne 2005, prix Printemps du roman 2006, prix de la ville de Saint-Louis 2006). L’auteur a été nommée chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres en janvier 2010.

J’affectionne particulièrement cette auteure et je suis toujours sous le charme de ces textes.

Pourquoi cet engouement ?

Pour son art de dépeindre le quotidien des gens ordinaires avec une plume extraordinaire.

L’héroïne, Emma, solitaire, sans homme et sans boulot se cherche et traverse la vie avec une impression d’être différente et détachée de tout. Ses souvenirs la ramènent à ce dernier été passé chez Gisèle alors que ses parents sont partis en vacances au bout du monde. Chez Gisèle, elle vit librement avec ses deux copains, écoute beaucoup le boléro de Ravel et profite des joies de la campagne. Sa vie est rythmée aussi par le cinéma, passion de Gisèle. Petit à petit, le lecteur découvre que la vie d’Emma a été profondément affectée par ce dernier été avec Gisèle. Je n’en dirai pas plus, je vous laisse le plaisir de découvrir cette histoire.

Ce roman est délicat et profond.

L’écriture est poétique, fluide et sensible. L’originalité de ses textes réside aussi dans leur construction, parsemés de références littéraires et de citations . Pour Boléro, les citations sont des dialogues de films, puisque Gisèle est passionnée de cinéma. Des dialogues de Marilyn, Gary Cooper ou Gary Grant selon les circonstances.

Ces textes sont toujours trop courts, je ne les oublie pas et je savoure d’avance le moment où j’ouvrirai un autre de ses romans.

Je vous invite à en faire autant.

Voir aussi ma chronique de “Écoute la pluie”.

 

Notation :