Auteur/autrice : <span>des Pages et des îles</span>

Eric FAYE : Nagasaki

 

Etonnant, envoutant et dépaysant, tels sont les trois premiers qualificatifs que m’inspire ce récit.

Ce roman, tiré d’un fait divers, raconte la vie ordinaire de Shimura San météorologiste à Nagasaki qui découvre que certains objets de son quotidien changent de place chez lui.

Intrigué, il installe une caméra pour suivre depuis son bureau ce qui se passe dans sa maison en son absence. Et là, il fait une étrange découverte : une inconnue déambule chez lui à son insu.

Ce livre nous raconte la vie de deux étrangers qui vivent ensemble sans le savoir. C’est un récit étonnant, troublant, émouvant aussi et qui nous interpelle sur notre monde contemporain et les espaces dans lesquels nous évoluons.

En effet, les déplacements, les décalages et mouvement se succèdent et le propriétaire des lieux devient comme étranger dans sa maison.

Une paranoïa commence à l’habiter : depuis sa caméra il pénètre chez lui comme par effraction, il surveille et guette à longueur de journée les mouvements dans sa maison. Puis, lorsqu’il découvre qu’une personne s’est introduit chez lui, il prévient la police.

Après cela, la situation devient paradoxale car le héros est soulagé d’être de redevenir le seul occupant des lieux mais un peu après, regrette son geste.

Cet événement a mis du piquant dans sa vie monotone et lui fait prendre conscience de la détresse d’autres humains comme cette femme qui se cachait chez lui dans un placard. Une pauvre femme, sans ressources, sans amis, sans toit et qui a perdu tout repère. C’est un peu de chaleur humaine qu’elle cherchait en se cachant dans cette maison.

Petit à petit, notre héros est bouleversé par cette inconnue qui a vécu chez lui et il perçoit sa détresse.

Ce livre qui nous dépeint ces deux types de solitude des temps moderne montre aussi très bien une certaine violence de notre monde et sa déshumanisation ainsi que l’anonymat des grandes villes.

L’auteur clôture son récit en donnant la parole – et la plume – à la clandestine qui nous livre ses impressions et nous émeut par ses confessions.

Bravo pour ce texte, d’une belle écriture et d’une belle intelligence du coeur .

Notation :

Catherine Mavrikakis : Les derniers jours de Smokey Nelson

“Les derniers jours de Smokey Nelson. Dans ce grand livre choral, quatre voix alternent pour évoquer celui dont l’exécution est prévue le 15 août 2008 au pénitencier de Charlestown.

Sydney Blanchard est noir comme Smokey Nelson. Des années auparavant, il a été arrêté par erreur et a purgé une peine de prison avant que le vrai coupable soit identifié : sa longue imprécation commence à Seattle, sur la tombe de Jimi Hendrix”.

C’est un livre fort, dur mais aussi magnifique par d’autres côtés.

Quatre personnages nous racontent à leur manière les derniers jours d’un condamné à mort.

Le récit débute avec Sydney Blanchard, un noir de la Nouvelle Orléans qui passe sa vie à imiter son idole Jimi Hendrix et qui parle à son chien. Il se souvient qu’il s’est fait arrêter il y a vingt ans pour le meurtre de quatre blancs, crimes commis par Smokey Nelson.

Grâce à une autre voix de ce livre, Pearl Watanabe, qui travaillait au motel où le meurtre a été commis, Sydney a été innocenté. La jeune femme avait croisé le criminel sur le parking et discuté avec lui. Ce souvenir la hante vingt ans après.

Le troisième personnage est Ray le père de la jeune femme assassinée; pour lui l’heure de la vengeance approche avec l’exécution de Smokey Nelson l’assassin de sa fille et ses petits-enfants. Ce n’est pas lui qui s’exprime mais Dieu qui lui dicte sa conduite et surtout le rassure en lui assurant qu’il trouvera un répit quand l’assassin sera exécuté.

La quatrième voix c’est Smokey Nelson qui est au pénitencier de Charlestown et vit ses derniers jours.

C’est un roman choral dans lequel chacun évoque son passé lié à Smokey Nelson et son présent toujours lié aux tragiques évènements.

Certains ont des regrets comme Pearl et Sydney alors que Smokey Nelson lui n’a aucun remord.

Un grand souffle dans ce récit avec des non-dits et la peine de mort en filigrane.

Ce roman choral capte le lecteur et le hante même après l’avoir refermé.

Encore une belle découverte de cette rentrée littéraire, à découvrir absolument.

 

Notation :

Sylvia Avallone : Le lynx

“Piero aime les belles voitures. Volées de préférence. L’espace d’un instant, voler lui permet de fuir un quotidien morne et lui donne l’agilité et la puissance d’un lynx. Une nuit de brouillard, quelque part dans la plaine du Pô, Piero stoppe son Alfa Romeo rutilante sur une aire de repos, entre dans un restoroute et s’apprête à braquer la caisse lorsqu’il tombe sur un adolescent paumé dont l’assurance et l’étrange beauté le foudroient…

Poignant de bout en bout.

C’est un très court récit de cinquante pages publié par une jeune italienne révélée par un premier roman « D’acier » couronné de prix et en cours d’adaptation au cinéma.

C’est l’histoire d’une rencontre improbable entre un jeune homme et un homme mur gangster, tous les deux marqués par la vie.

Le lynx, c’est Piero qui aime les voitures puissantes qu’il vole et les beaux vêtements.

Andréa lui est jeune, beau et a l’âge du fils que Piero n’a pas eu.

Entre eux, d’étranges et poignantes relations vont se tisser qui va bouleverser leur vie.

Un seul conseil : lisez-le !

Notation :

Esther Freud : La bonne étoile

« La timide Nell, Charlie la magnifique, Dan l’ambitieux, Jema la révoltée : tous croient en leur « bonne étoile ». Formés au très select Drama Arts de Londres, où ils se sont rencontrés, ils rêvent de devenir des stars. La réalité sera-t-elle à la hauteur de leurs espérances ? »

Décevant, je l’ai abandonné en cours de lecture !

Quelle déception après la parution de multiples bonnes critiques.

Les personnages sont bien décrits mais cela manque d’épaisseur et d’histoire sutout. Pas d’intrigue. Je me suis ennuyée donc je ne vous le conseille pas.

J’ai préféré le roman « la répétition » d’Eleanor Catton (roman néo-zélandais) qui traite aussi de l’univers théatral côté adolescents.

Toni MORRISON : Home

Prenant, intense et émouvant.

Ce nouveau roman de Toni Morrison est d’autant plus intense qu’il est concis.

Nous sommes plongés dans la vie des noirs américains dans les années 50 au travers du destin de Franck Money, jeune homme qui revient de la guerre de Corée et de celui de sa jeune soeur Cee.

Celle-ci, après le départ de son frère pour la Corée devient le souffre-douleur de sa grand-mère, aussi décide-t-elle à 15 ans de se marier avec un jeune homme d’Atlanta.

Celui-ci se révèle être un égoïste qui abandonne très vite sa jeune épouse sans rien lui laisser.

L’indicible se produit ensuite alors qu’elle cherche du travail pour survivre.

Son frère, tout juste rentré, part à sa recherche.

Dans ces années 50 où les noirs ont si peu de droits, ne sont pas acceptés partout – un guide d’hôtels et restaurant les acceptant est même édité – et doivent se battre sans cesse face à la violence omniprésente.

Le ton et l’écriture concourent à nous rendre cette ambiance des années 50 en Georgie.

Ce livre, qui est un concentré d’émotions, est dorénavant mon préféré de Toni Morrison.

Notation :