Des pages et des îles

Maxence Fermine : Chaman

Résumé :

Charpentier sur les immenses tours d’acier de Duluth, dans le nord des États-Unis, Richard Adam n’a jamais oublié le sang indien qui coule dans ses veines. Mais le retour sur sa terre natale pour enterrer sa mère va le plonger dans un monde dont il n’aurait jamais soupçonné l’existence.

L’auteur :

Maxence Fermine, auteur du best-seller Neige, construit une œuvre singulière alliant poésie et fiction. Après une incursion dans la jeunesse avec la trilogie de La Petite Marchande de rêves, il revient à la littérature générale avec une fresque ambitieuse, portée par le vent de l’Histoire et la mélodie des mots.

Mon avis :

Puissant et beau, un texte poétique et enchanteur.

Après avoir lu Neige, il y a de nombreuses années, j’avais oublié cet auteur. Quel dommage !

Une voix, et plus encore une plume à part, avec une thématique ici sur la quête de ses origines et le sens de la vie.

Richard Adam, après le décès de sa mère, part sur la terre de ses ancêtres : les indiens de la tribu Lakota Oglala. Il a promis de répandre ses cendres sur cette terre indienne. Richard est charpentier du ciel : il travaille sur les chantiers de construction pour les très hauts buildings. Les indiens sont nombreux dans cette profession, plus courageux que la plupart des blancs, nous dit l’auteur.

Après avoir demandé quelques jours de congé à son patron, il part au volant de sa vieille Chevrolet.

Richard découvre un autre monde quand il arrive à destination. Puis sa vie bascule après la rencontre de plusieurs indiens dont un chaman. Je ne vous en dirai pas plus sur l’histoire car je vous incite fortement à le lire.

Ce roman court mais dense, est chargé de sens et propice à la réflexion.

Vous apprécierez, comme moi, les citations en exergue de chaque chapitre.

Je vous en livre quelques-unes :

« La paix n’arrive jamais par surprise. Elle ne tombe pas du ciel comme la pluie. Elle vient à ceux qui la préparent. » citation de Tecumseh.

« Quand le dernier arbre sera abattu, la dernière rivière empoisonnée, le dernier poisson capturé, alors le visage pâle s’apercevra que l’argent ne se mange pas » citation de Sitting Bull.

Ne ratez pas ce beau texte, une prose rare et envoûtante.

Merci Babelio et les Éditions Michel Lafon.

 

Notation :

Marco Vichi : Mort à Florence

Mort à Florence
Mort à Florence

Résumé :

Novembre 1966. Giacomo, treize ans, disparaît à la sortie du collège. Faute d’indice, le commissaire Bordelli s’accroche à une mince piste qui le mènera parmi des nostalgiques du fascisme et de Mussolini. Plus que jamais

hanté par la guerre, il affiche une humeur aussi noire que le ciel qui surplombe alors Florence. Rien ne le soulage, ni ses amis, ni son jeune bras droit Piras, ni les plats succulents de Toto, ni même la jolie jeune femme brune dont il fait la connaissance. Quelques jours plus tard, sous l’effet des pluies torrentielles, l’Arno déborde et déverse dans les rues des flots de boue qui paralysent la ville. C’est l’occasion de découvrir un portrait sombre et inédit de la cité toscane où se démène un Bordelli désabusé, mais bien décidé à découvrir la vérité. Cet opus a remporté en 2009 le prix Scerbanenco, la plus haute récompense du polar italien.

L’auteur :

Né en 1957 à Florence, Marco Vichi vit en Toscane. Auteur d’une dizaine de romans, de deux recueils de nouvelles et de plusieurs scénarios, il est classé parmi les meilleurs romanciers italiens de la décennie par le Corriere della Sera.

Mon avis :

Un polar italien avec une bonne intrigue dans un décor et une ambiance parfaitement retranscrits.

Le commissaire Bordelli est un cinquantenaire marqué par la seconde guerre mondiale et le fascisme. Nous sommes dans les années soixante et le suivons dans une enquête compliquée pour retrouver l’assassin d’un enfant. Aidé par son bras droit Piras, il démêle les pistes, traque les rares indices. Il ne supporte pas qu’un crime aussi odieux reste impuni.

Bourru, tenace et tendre aussi quand il se confie à Rosa, une amie, ancienne prostituée. Un de ses proches est un voleur qui va l’épauler aussi.

J’ai aimé ce côté décalé : mélanger des personnages borderline et ce policier assez classique.

Un roman d’atmosphère, ancré dans la réalité des années soixante. L’auteur nous raconte l’inondation dévastatrice de la ville de Florence. Plus d’eau ni électricité, l’Arno qui envahit la ville, une situation dramatique pour les habitants qui ralentit aussi l’enquête déjà compliquée.

Plus âpre et sombre que le célèbre Commissaire Brunetti, avec un contexte politique omniprésent, je vous recommande les aventures de ce commissaire que j’ai suivies avec intérêt.

 

Notation :

Pramoedya Ananta Toer : La fille du rivage

La fille du rivage
La fille du rivage

Résumé :

La jeune fille d’un pêcheur de la côte nord-est de Java a été demandée en mariage par un aristocrate local, fasciné par sa grande beauté. Elle a quatorze ans, et dans cette Java féodale du début du vingtième siècle, elle n’a guère le choix. Ce mariage arrangé la fait passer sans transition d’une vie certes pauvre et rude, mais libre et naturelle, à une existence cloîtrée, dans la vaste demeure ceinte de murs de son époux, le Bendoro. La jeune fille est intimidée et malheureuse, mais doit très vite s’adapter au langage et aux usages de sa nouvelle vie.

L’auteur :

Considéré comme le plus grand écrivain indonésien, il est notamment connu pour son combat politique contre la puissance coloniale hollandaise puis contre le régime de Suharto, ce qui lui a valu d’être incarcéré pendant de longues années avant d’être assigné à résidence pendant encore près de vingt ans.

Mon avis :

Un roman touchant qui nous emporte dans une Indonésie du début du vingtième siècle aux côtés d’une toute jeune fille vendue à un homme riche.

L’auteur précise dans la préface qu’il s’est inspiré de la vie de sa grand-mère « une personnalité, un caractère ».

À quatorze ans, fille de pêcheurs, elle mène une vie simple et libre. Puis un messager vient la chercher un jour et l’emmener en ville : elle a été mariée à un noble qu’elle n’a jamais vu. Ses parents l’accompagnent et la rassurent : tu vas vivre dans une belle maison, tu ne seras plus obligée de travailler. La petite a peur et pleure. C’est un homme pieux et un chef puissant lui dit son père.

La jeune fille sera obligée de s’habituer à sa nouvelle vie et de tout faire pour que son époux soit satisfait de ce mariage. Sa servante va l’aider en lui donnant des indications sur le comportement qu’elle doit avoir. Se souvenir qu’elle n’est plus une fille pauvre mais la maîtresse de maison dorénavant.

Une nouvelle vie comme une prison dorée, avec ces peines et des joies aussi.

Un livre dépaysant, émouvant qui se lit avec plaisir.

Une écriture fluide, beaucoup de dialogues et une ambiance parfaitement restituée : je suis partie en Indonésie avec tous ces personnages. Un lexique à la fin de l’ouvrage complète le récit.

Une lecture que je vous recommande pour partir à la découverte de l’Indonésie.

 

Notation :

Paul Gauguin : Avant et après et Je, Gauguin de Jean-Marie Dallet

Avant et après
Avant et après

Présentation de « Avant et après »:

Août 1901, Paul Gauguin quitte Tahiti à bord d’une goélette pour les îles Marquises. Il débarque dans l’île d’Hivaoa, construit son propre faré qu’il nomme Maison-du-Jouir, peint et écrit. Avant et après est le récit de tous ses exils et de ses combats : Arles, la Bretagne, Panama, Papeete. Gauguin passe également en revue toutes les morales qui l’ont poussé à fuir l’Europe et à se tourner vers un monde primitif : «Morale du cul, morale religieuse, morale patriotique, morale du soldat, du gendarme.»

Je, Gauguin
Je, Gauguin

Présentation de « Je, Gauguin »

Autobiographie imaginaire, certes, mais non fantaisiste, à laquelle Dallet ajoute le contexte social tel qu’il apparaît aujourd’hui dans les perspectives de l’Histoire, et où chaque fait, chaque revirement de situation, chaque malheur prend la couleur du destin. Sans compter que la part d’ombre, la face cachée de toute existence, est comme devinée à travers les tableaux du peintre chronologiquement revus.

Mon avis :

Deux livres pour découvrir ce grand peintre Gauguin : l’un qualifié comme étant son meilleur livre et l’autre, une biographie écrite par un écrivain passionné par ce personnage et connaissant bien la Polynésie.

Je vais donc vous livrer mes impressions croisées sur ces deux ouvrages, j’ai lu les deux livres en parallèle.

Gauguin se raconte tel qu’il est : entier, bourru et se dévoile sans retenue. Sa colère et ses revendications enflamment le récit. Quand on est artiste et que l’on crève de faim, la vie est bien difficile.

Il passe en revue son enfance, ses choix, ses amis les peintres. Il dit qu’il n’a pas écrit un livre, ni des mémoires.

C’est parfois décousu mais toujours vivant et intéressant.

La biographie, plus littéraire, peut se lire en écho au texte du peintre.

Écrite à la première personne et chronologiquement, elle se lit vite car l’auteur parvient à nous accrocher dès le début. La vie de Gauguin est jalonnée d’aventures, de découvertes et de grands espaces. Il a parcouru le monde et exercé de nombreux métiers ne parvenant pas à vivre de sa peinture.

J’ai été bien sûr très sensible aux descriptions de la Polynésie : Tahiti, Moorea et Les Marquises. Les polynésiens l’ont adopté même si la vie était difficile aussi là-bas pour le peintre : il avait faim aussi sous les Tropiques.

Le style est vivant et imagé.

En synthèse : une lecture fluide et passionnante.

Deux récits à découvrir aux Éditions de La Table Ronde collection La Petite Vermillon.

 

Notation :

Joyce Carol Oates : Paysage perdu

Paysage perdu
Paysage perdu

Présentation :

C’est avec un mélange d’honnêteté brute et d’intuition acérée que Joyce Carol Oates revient sur ses jeunes années. Son enfance pauvre dans une ferme de l’État de New York fourmille de souvenirs : ses parents aimants, ses grands-parents hongrois, les animaux, la végétation, le monde ouvrier, l’école.

Ces années lui offrent à la fois un univers intime rassurant, mais un univers limité, cerné par des territoires inaccessibles, propices à enflammer l’imagination de la jeune fille qui trouve là ses premières occasions de fiction.

L’auteur :

Membre de l’Académie américaine des arts et des lettres, titulaire de multiples et prestigieuses récompenses littéraires, parmi lesquelles le National Book Award, Joyce Carol Oates occupe depuis longtemps une place au tout premier rang des écrivains contemporains. Elle est l’auteure de recueils de nouvelles et de nombreux romans dont Les Chutes (prix Femina étranger en 2005), Mudwoman (meilleur livre étranger en 2013 pour le magazine Lire) et Sacrifice.

Mon avis :

La grande Joyce Carol Oates nous livre ses souvenirs et cela se lit comme un roman.

Captivant, vous comprendrez d’où lui vient sa passion de l’écriture et découvrirez une vie bien remplie sous le signe de la littérature.

Joyce nous raconte son enfance, sa sœur handicapée, ses parents aimants qui l’ont aidée et encouragé à faire des études malgré leur condition modeste.

Sa grand-mère passionnée par la littérature, lui offrira le livre « Alice aux pays des merveilles » et une machine à écrire. Ce livre extraordinaire, dit-elle, a changé sa vie alors qu’elle n’avait que neuf ans. Alice devient un modèle, lui donne envie de devenir écrivain et lui montre le caractère parfois absurde et fascinant de notre monde.

Cette petite fille dotée d’une grande imagination souffre aussi d’insomnies à l’adolescence et sort la nuit se promener le long de la route proche. Elle est fascinée par la lumière des phares des voitures et nous raconte la mort de son grand-père.

Les paysages perdus sont ceux de notre enfance qui nous hantent toute notre vie.

La plume acérée de Joyce Carol Oates nous emporte dans ce voyage au cœur de ces souvenirs.

Un livre indispensable pour comprendre l’émergence d’un grand écrivain. Si vous aimez cette auteure vous ne serez pas déçu.

Précipitez-vous sur ce récit publié aux Éditions Philippe Rey et en librairie depuis le 5 octobre.

 

Notation :