Des pages et des îles

Emma Cline : The girls

The girls
The girls

Résumé : Le Nord de la Californie, à l’époque tourmentée de la fin des années 1960. Evie Boyd a quatorze ans, elle vit seule avec sa mère, que son père vient de quitter. Fille unique et mal dans sa peau, elle n’a que Connie, son amie d’enfance. Mais les deux amies se disputent dès le début de l’été qui précède le départ en pension d’Evie. Un après-midi, elle aperçoit dans le parc où elle est venue traîner, un groupe de filles dont la liberté, les tenues débraillées et l’atmosphère d’abandon qui les entoure la fascinent. Très vite, Evie tombe sous la coupe de Suzanne, l’aînée de cette bande, et se laisse entraîner dans le cercle d’une secte et de son leader charismatique, Russell.

L’auteur : Emma Cline est une jeune californienne de 27 ans qui signe ici son premier roman.

Mon avis :

Un roman merveilleux et captivant tout du long.

“The girls” fait couler beaucoup d’encre bien qu’il ne soit pas encore paru, après lecture je comprends pourquoi. Ce récit vaut le détour à la fois pour l’histoire, l’ambiance et la qualité de l’écriture.

L’histoire : une jeune fille, Evie, se sent à l’étroit dans le domicile parental. Elle s’ennuie beaucoup depuis qu’elle vit seule avec sa mère et encore plus après la dispute avec sa meilleure amie. Désœuvrée, la rencontre avec une bande de filles qui sont en train de voler de la nourriture, va la faire basculer. Insidieusement, l’amitié puis l’adoration qu’elle porte à Suzanne vont l’entraîner à participer à des mauvais coups.

Evie a l’impression d’exister lorsqu’elle est en compagnie des jeunes filles et de Russell, le gourou. Si elle se plie à ses exigences, c’est pour plaire à Suzanne et appartenir à un clan.

Pour servir ce récit, une écriture fine, ciselée, imagée et superbe : j’ai beaucoup aimé.

Un beau texte sur les tourments de l’adolescence et les dérives sectaires.

Universel et faisant écho à d’autres situations se déroulant à notre époque, nous suivons cette descente aux enfers en frémissant pour ces filles, les héroïnes. La figure masculine, gourou compris, est reléguée au second plan, comme la fameuse affaire qui a inspiré ce récit.

La révélation de cette rentrée littéraire : un gros coup de cœur pour ce roman terriblement prenant sur le désenchantement de la jeunesse.

Foncez sans hésitation.

Merci à l’agence Anne et Arnaud et aux éditions de la Table Ronde.

Notation :

Saïdeh Pakravan : La trêve

La trêve
La trêve

Résumé : Plus aucun crime, plus de violence, plus de suicides, plus de crises cardiaques, de viols, de meurtres, d’accidents de voiture, d’agressions. Plus d’appels dans les commissariats, et les urgences des hôpitaux restent vides. La foule enthousiaste danse dans les rues, s’embrasse et scande : « Trêve éternelle ! » Pourtant, deux individus sont hantés par une question : la trêve va-t-elle durer, et si oui… jusqu’à quand ?

 

L’auteur : Saïdeh Pakravan, écrivaine franco-américaine de fiction et poète, est née en Iran. Ayant grandi dans un milieu francophone, elle s’installe à Paris, participant, après la révolution iranienne de 1979, à un mouvement de libération de l’Iran. Publiée dans de nombreuses revues littéraires et anthologies, lauréate de prix littéraires dont le prix Fitzgerald, Saïdeh Pakravan est également essayiste et critique de film.

 

Mon avis :

La trêve est un un roman kaléidoscope dans lequel une multitude de personnages vivent une journée extraordinaire.

La vie est comme suspendue : plus de violence, ni accident, ni mort ni même naissance. Tous les personnages sont d’abord confrontés à une situation stressante qui ne dégénère pas puisque la trêve est là. Les histoires défilent, différentes à chaque chapitre, c’est même déstabilisant au départ puis on s’habitue et surtout on s’attache au récit. Que va-t-il se passer pour toute cette population ? Plus jamais de dérive ?

Les situations sont variées, avec un point commun : une violence annihilée par l’effet de la trêve. Chacun réfléchit alors et prend son destin en main : une prise de conscience s’opère, c’est le moment de faire le bilan de sa vie.

Certains personnages reviennent plusieurs fois comme Simon le policier et Mandy la journaliste. Kim et Jennifer, deux jeunes amants poursuivis par un mari jaloux apparaissent dans plusieurs chapitres également.

Cette galerie de portraits d’hommes et femmes rappelle “Short cuts” de Robert Altman, tous ces personnages qui se croisent ou pas, tous reliés par les conséquences de ce nouveau phénomène : la trêve. L’histoire n’est pas vraiment importante au final, on retient plutôt leurs hésitations, passions, errances et nous lecteurs, sommes suspendus tout du long à cette lecture.

Ce n’est pas un roman d’anticipation, plutôt une fiction remplie d’humanité, à découvrir.

Parution le 25 août aux éditions Belfond.

Merci aux éditions Belfond.

Notation :

Andres Trapiello : D’un vaisseau fantôme

D'un vaisseau fantôme
D’un vaisseau fantôme

Résumé : Début des années 70 : Martin part étudier à V., petite ville d’Espagne aux couleurs délavées. Rempli du désir de rompre avec le conformisme familial et des idéaux qui forgent la jeunesse, il rejoint vite les rangs d’un des nombreux groupuscules communistes florissant dans les couloirs de l’Université, tandis que s’essouffle le franquisme.

 

L’auteur : Journaliste et figure littéraire de premier plan en Espagne, Andrés Trapiello est l’auteur d’une importante œuvre poétique, d’un journal en quinze volumes, et de six romans, dont Los amigos del crimen perfecto, prix Nadal en 2003. Trois de ses romans ont été publiés en français : D’un vaisseau fantôme (La Table Ronde, 1994), Les Cahiers de Justo García (Buchet-Chastel, 2004, 10/18 en 2006) et À la mort de Don Quichotte(Buchet-Chastel, 2005), prix de la Fondation José Manuel Lara Hernandez. Il a aussi signé une biographie de Cervantès, publiée chez Buchet-Chastel en 2005.

 

Mon avis :

Voici une réédition d’une œuvre de 1994, qui vient de paraître dans la collection Petite Vermillon. Un auteur espagnol que je découvre grâce à cette lecture.

Nous suivons le parcours de plusieurs étudiants, dans une ville espagnole, au temps où le franquisme sévissait encore.

Notre héros, a voulu échapper à l’étroitesse d’esprit de ses parents et à leur petite vie. A peine arrivé, auditeur en première année d’université, il se lie avec Rei, un jeune qui va lui présenter ses amis qui font partie des jeunesses communistes. Il devient “marxiste-léniniste tendance maoïste” dès le premier trimestre universitaire. Il rencontre des femmes aussi comme Céleste et Dolly, qui lui feront découvrir d’autres aspects de la vie. La deuxième année d’université se profile, Martin est toujours proche des “camarades” comme ils se nomment. Le franquisme va les rattraper.

C’est un beau roman d’apprentissage, sombre et poétique.

Violent aussi par moment, c’est une jeunesse malmenée par une société répressive et autoritaire : comment se construire dans ce contexte ?
On a envie d’étudier l’histoire espagnole pour comprendre cette période franquiste qui s’étale de 1936 à 1975.

En prime, une écriture captivante : à la fois fluide et savante.
En résumé : un roman attachant et poétique que je vous recommande.

Merci Alice et Anne-Lucie des éditions de la Table Ronde pour cette belle lecture.

 

Notation :

Kate O’Riordan : Un autre amour

Un autre amour
Un autre amour

Résumé : Connie et Matt Wilson sont parvenus à réaliser leur rêve : ils vivent avec leurs trois enfants dans une charmante maison londonienne. Alors qu’ils profitent d’un week-end pour passer un séjour romantique à Rome, tout bascule : Matt annonce à Connie qu’il ne rentrera pas avec elle. Elle retourne à Londres, retrouvant ses trois garçons, seule.

 

L’auteur : Kate O’Riordan est irlandaise, elle vit actuellement à Londres. Romancière, elle a notamment publié Intimes convictions, Une mystérieuse fiancée, Le garçon dans la lune et Pierres de mémoire, tous parus aux Éditions Joëlle Losfeld, elle écrit également pour le théâtre et le cinéma.

 

Mon avis :

Une lecture à ne pas manquer, je vais tenter de vous en convaincre mais je crains de ne pas avoir les mots adéquats : ma chronique risque d’être bien fade face à ce livre…

Je me lance malgré tout pour vous donner envie.

L’histoire : un couple, la quarantaine, part visiter Rome quelques jours. Au départ, on découvre Connie qui rentre, seule, sur Londres. Son mari a décidé de rester sur place. Pourquoi cette décision ? Connie cache à ses proches que son mari a préféré ne pas rentrer avec elle. Ses enfants ne comprennent pas, Mary, sa meilleure amie non plus. Comment a-t-elle pu accepter cette situation ? Puis nous découvrons le troisième personnage du trio amoureux : Greta.

Je ne vous en dirai pas plus, pour ne pas dévoiler l’intrigue car même si l’histoire peut paraître classique, elle ne l’est pas du tout. Les événements qui s’enchaînent nous font découvrir le vrai visage de chacun et comprendre le geste de Matt, le mari de Connie. Des liens profonds unissent les protagonistes et apparaissent progressivement.

Non seulement on peut saluer la richesse psychologique de la trame mais aussi le rythme car nous, lecteurs, sommes accrochés à l’histoire. Les hésitations et peurs de nos héros deviennent les nôtres. Tout est subtil, c’est du “cousu main”.

Un livre qui questionne aussi sur le couple, les choix et renoncements , l’amitié et l’amour maternel.
C’est une ode à l’amour : un livre aux entrées multiples, riche et profond, avec une écriture particulièrement efficace.

N’hésitez pas, foncez.

Merci Joëlle Losfeld pour cette belle découverte.

Ne pas oublier son dernier livre, excellent : “La fin d’une imposture

Notation :

Antoine Rault : La danse des vivants

La danse des vivants
La danse des vivants

Résumé : Eté 1918. Dans un hôpital militaire, un jeune homme se réveille amnésique. Il a tout oublié de son passé, jusqu’à son nom, mais parle aussi bien le français que l’allemand. Les services secrets français voient en lui l’espion idéal. Ils lui donnent l’identité d’un mort allemand…

 

L’auteur : Antoine Rault est né en 1965 à Paris. Depuis le succès de sa pièce Le Caïman en 2006, il est un dramaturge de renommée internationale, nominé cinq fois aux Molières et récompensé par le Grand Prix de l’Académie française. Il est notamment l’auteur du Diable rouge et, chez Albin Michel, du Démon d’Hannah (2009), de L’Intrus (2011), du Système (2015) et d’Un nouveau départ (2016). Il a également publié deux romans chez Albin Michel : Je veux que tu m’aimes (2010) et La vie dont tu rêvais(2014).

 

Mon avis :

Une grande fresque historique, riche et bien documentée.

Nous partageons le quotidien de Charles, jeune homme retrouvé amnésique en juillet 1918. Il a tout oublié, les autorités décident de le soigner tout en vérifiant qu’il n’est pas un simulateur. On découvre alors que les médecins ont mis au point un protocole avec des électrochocs pour tester la résistance des patients et faire réagir ceux qui mentent pour ne pas retourner au front.

Notre pauvre héros a vraiment tout oublié et souffre autant moralement que physiquement. Sa culture et son intelligence vont le sauver. Sans déflorer l’histoire, sachez qu’il devient espion pour la France et part pour Berlin avec l’identité d’un lieutenant allemand. Charles est bilingue français allemand, décidé à servir son pays. Cette mission lui permet d’exister et peut-être retrouvera-t-il sa mémoire ?

La fiction et l’histoire s’entrecroisent. Nous croisons Clemenceau et les autres protagonistes du traité de Versailles, j’ai suivi avec intérêt le destin du jeune Charles tout en m’intéressant au contexte historique bien retracé. Quelques petites longueurs lors des descriptions liées aux tractations autour du traité de Versailles.

Un roman historique et d’espionnage qui tient son lecteur globalement en haleine.

Les personnages sont attachants voire touchants pour certains, une belle lecture donc.
Une belle entrée en matière pour cette rentrée littéraire de 2016.

Parution le 18 août chez Albin Michel.

Merci Babelio et les éditions Albin Michel.

Notation :