Des pages et des îles

Jon Kalman Stefansson : D’ailleurs les poissons n’ont pas de pieds

D'ailleurs les poissons n'ont pas de pieds
D’ailleurs les poissons n’ont pas de pieds

Résumé :

Ari regarde le diplôme d’honneur décerné à son grand-père, le célèbre capitaine et armateur Oddur, alors que son avion entame sa descente vers l’aéroport de Keflavík. Son père lui a fait parvenir un colis plein de souvenirs qui le poussent à quitter sa maison d’édition danoise pour rentrer en Islande. Mais s’il ne le sait pas encore, c’est vers sa mémoire qu’Ari se dirige, la mémoire de ses grands-parents et de leur vie de pêcheurs du Norðfjörður, de son enfance à Keflavík, dans cette ville «qui n’existe pas», et vers le souvenir de sa mère décédée. Jón Kalman Stefánsson entremêle trois époques et trois générations qui condensent un siècle d’histoire islandaise.

L’auteur :

Après ses études au collège,qu’il termine en 1982, il travaille dans les secteurs de la pêche et de la maçonnerie jusqu’en 1986. Il entame jusqu’en 1991, sans les terminer, des études de littérature à l’université. Il donne des cours dans différentes écoles et rédige des articles pour un journal, à Copenhague. Il rentre en Islande et , jusqu’en 2000, il s’occupe de la Bibliothèque municipale de Mosfellsbaer. Depuis, il se consacre à l’écriture de contes et de romans. Il a publié huit romans dont quatre traduits en français.

Mon avis :

Une grande fresque qui raconte l’Islande avec le regard de trois générations dont Ari est le personnage central.

Ce qui capte dès le début du livre c’est la langue poétique, imagée et imaginative.

Le héros retrouve l’Islande après avoir quitté ou plutôt fui son pays. Lorsqu’il arrive sur la terre de ses ancêtres, il est happé par cette terre et son histoire. Ses grands-parents dans le petit port lointain où le grand-père capitaine est heureux avec sa douce femme Margret. De belles scènes d’amour où la tendresse et la mélancolie côtoient la difficulté de vivre dans ces milieux hostiles. L’alcool est une douce compagne et la musique un élément incontournable pour supporter cette vie.

Le lecteur est au cœur de l’Islande et de son histoire en suivant ces trois générations sur un siècle.

Un livre dense avec une histoire parfois difficile à suivre lorsque les époques s’entrecroisent.

La plume est belle mais la présentation déroutante : les dialogues sont insérés dans le texte sans visualisation avec des tirets spécifiant l’échange entre personnages. Des longueurs aussi dans cette grande histoire, peut-être voulues par l’auteur pour montrer l’immobilisme de son pays ?

A réserver donc à des lecteurs avertis et non rebutés par ces bémols.

Pour ma part, je reste partagée après cette lecture et plutôt déroutée.

Un livre nominé « meilleur roman étranger 2015 » par le magazine Lire.

Merci aux Editions Gallimard et à Babelio.

 

Notation :

Hans Fallada : Du bonheur d’être morphinomane

Résumé :

Du bonheur d'être morphinomane
Du bonheur d’être morphinomane

Le quotidien d’un morphinomane. Un alcoolique cherche à se faire emprisonner pour arriver enfin à se désintoxiquer. Une paysanne au mari jaloux perd son alliance pendant la récolte des pommes de terre. Un cambrioleur rêve de retourner en prison où la vie est, finalement, si tranquille. Un mendiant vend sa salive porte-bonheur.

L’auteur :

Hans Fallada est un auteur allemand né en 1893 dans le Nord de l’Allemagne. Il est de la même génération que Johannes R. Becher, Bertolt Brecht, Kurt Tucholsky ou Walter Benjamin, ces auteurs qui sont nés dans l’empire allemand sur son déclin, qui ont connu, au début de leur âge adulte, la chute de l’empire avec la première guerre mondiale, et qui vivront seulement 14 années de démocratie parlementaire avant que le nazisme ne prenne le pouvoir et que n’éclate la seconde guerre mondiale. Il meurt en 1947 à Berlin, laissant une vingtaine de romans devenus pour certains des classiques lus à l’école.

Mon avis :

Un recueil de nouvelles qui met en scène un morphinomane, un alcoolique, un voleur, un mendiant.

Plusieurs thèmes pour ces nouvelles : les addictions, les garnements, la campagne, le couple.

Un portrait d’une époque troublée dans laquelle les petites gens se débattent pour survivre. Résister aux tentations de l’alcool, du tabac et ne pas céder à la facilité de s’emparer des biens d’autrui. Une misère profonde dans un contexte très difficile voilà ce que l’auteur nous dépeint. La crise, le chômage, l’inflation : en face des ces maux des gens simples qui subissent.

Une profonde empathie s’empare de nous en déroulant ces histoires, c’est souvent triste mais aussi parfois on arrive à sourire. Fiction ou réalité ? C’est criant de vérité.

Une plume très fluide, une impression de proximité avec tous ces personnages nous les rendent attachants : on se dit, comment les aider ?

Une belle lecture avec des moments d’espoir et d’amour qui illuminent ce récit.

A la fin du livre, les notes de la traductrice, qui apportent des précisions très intéressantes sur l’auteur et nous éclairent sur sa vie et le contexte historique, nous comprenons aussi que ces histoires sont le reflet de son existence.

Merci aux Editions Denoël.

 

Traduit de l’allemand par Laurence Courtois

Collection Denoël & d’ailleurs

Parution : 05-11-2015

 

Notation :

Emily Barnett : Mary

Mary
Mary

Résumé :

Mary est une adolescente des années 2000, recluse avec sa mère dans un château. C’est aussi une jeune Américaine expatriée à Paris au début des années 50, mariée à un designer. Quels liens invisibles entretiennent ces deux femmes ? Comment le maccarthysme peut-il contraindre une jeune fille d’aujourd’hui ? De l’enfance sauvage aux atermoiements amoureux d’une femme dans le New York d’après-guerre, Mary sonde les thèmes de l’adultère, de la folie et de la filiation.

L’auteur :

Critique littéraire et cinéma freelance, habituée des Inrockuptibles ou de magazines féminins tels que Grazia, et plus récemment des émissions Le Cercle sur Canal + ou La Dispute sur France Culture.

Mon avis :

Deux récits se croisent et alternent : deux jeunes femmes dénommées Mary se racontent.

L’une vit en France dans un lieu appelé « château », c’est une adolescente qui prend soin de sa mère, isolée et murée dans un autre monde. L’adolescente prend la parole à la première personne. Une autre Mary, vivant dans les années cinquante aux Etats-Unis, compagne d’un peintre et confrontée au maccarthysme.

Quel lien entre ces deux histoires ? J’ai mon idée et interprétation que je ne vous livrerai pas pour vous le laisser découvrir.

Quand au style : j’ai préféré l’écriture et la construction classique des parties se déroulant dans les années cinquante.

J’avoue qu’on est déstabilisé par les parties décrivant Mary l’adolescente : folie, hallucinations avec une lecture plus difficile car on se perd avec elle.

Un roman sur la folie et la création artistique. La couverture psychédélique résume bien l’ensemble.

Difficile donc de qualifier ce texte : si vous avez envie de lire un roman différent, bien écrit mais complexe et déstructuré alors c’est pour vous.

Merci aux Editions Rivages.

Notation :

Sarah Blaedel : Les filles oubliées

Les filles oubliées
Les filles oubliées

Résumé :

Le corps d’une femme est découvert dans une forêt isolée du Danemark. Une cicatrice sur le visage aurait dû rendre son identification facile, mais personne n’a signalé sa disparition. Louise Rick, enquêtrice au Département des Personnes Disparues, lance un appel à témoins. Une femme âgée reconnaît la victime qu’elle a connue enfant. Il s’agit d’une certaine Lisemette, qui fut internée autrefois dans un hôpital psychiatrique. Comme les autres enfants de cette lugubre institution, Lisemette était une « fille oubliée », abandonnée par sa famille. L’enquêtrice fait alors une autre découverte troublante : l a victime avait une sœur jumelle. Et toutes les deux sont censées être mortes depuis une trentaine d’années…

L’auteur :

Sara Blædel est l’auteur d’une série de romans mettant en scène l’enquêtrice Louise Rick, un immense succès dans 24 pays. Elle vit à Copenhague et a été élue meilleure romancière du Danemark quatre fois de suite.

Mon avis :

Un bon polar danois que j’ai lu vite, suspense garanti jusqu’à la dernière page.

Une enquêtrice, Louise, recherche la trace de jumelles disparues dont l’une d’elles vient d’être retrouvée morte. Ces jumelles handicapées avaient été placés dans un institut dès leur petite enfance. Là où cela ne colle pas, c’est qu’elles ont été déclarées mortes il y a trente ans. Or l’une d’elles vient d’être découverte.

D’autres disparitions sont signalées, toutes ces affaires sont confiées à l’enquêtrice Louise, une battante, qui est spécialisée dans la recherche des personnes disparues.

L’enquête entraîne Louise et son équipier vers une institution dans laquelle les deux jumelles ont été placées, une partie de l’institut existant toujours et des employés sont interrogés. Les enfants confiés sont oubliés de leurs parents, c’est l’institution elle-même, qui pousse l’entourage des handicapés à les abandonner à leur sort. Camilla, la meilleure amie de Louise, journaliste, mène aussi son enquête en parallèle.

Un livre qui entremêle l’histoire des jumelles et la vie de Louise et ses proches : Louise l’écorchée au passé trouble, Camilla la rebelle, Eik le coéquipier insaisissable et efficace.

En résumé : une bonne intrigue, suspense au rendez-vous et des personnages auxquels on croit. On le pose à regret donc un polar que je vous conseille.

Merci aux éditions Terra Nova.

Notation :

Hanne-Vibeke Holst : Le prétendant

Résumé :

Le prétendant
le prétendant

Suite à l’écrasante défaite du gouvernement aux élections, Gert Jacobsen, ex-ministre des Finances, brigue la tête du parti et se lance dans une ambitieuse course à la popularité pour s’attirer les suffrages. Toutefois, derrière l’excellence de son parcours, le leader social-libéral dissimule une part d’ombre. Sa femme, Linda, ne cesse d’en faire les frais. Quand les accès de violence du « prétendant » dépassent la sphère intime, sa campagne est mise en péril. Sait-on vraiment qui nous gouverne ? Jusqu’où la vie privée des politiques doit-elle être protégée ?

L’auteur :

Hanne-Vibeke Holst, née en 1959 à Hjørring, est un auteur danois. Avant de se consacrer à l’écriture, elle a longtemps été journaliste politique et s’est également illustrée par son engagement pour la cause des femmes. Elle siège aujourd’hui comme membre de la Commission danoise de l’Unesco. Véritables best-sellers au Danemark, ses romans ont été traduits en plusieurs langues, dont l’allemand, le néerlandais et le suédois. Elle a reçu plusieurs prix, notamment le Søren Gyldendal en 2003 et le Laurel d’Or, prix annuel des libraires danois, en 2008.

Mon avis :

Un livre qui nous scotche. Addiction assurée !

Les héros ne sont pas des gens comme les autres puisqu’ils sont à la tête d’un pays. Ils sont aussi terriblement humains : fragiles, sensibles et ambitieux.

Le prétendant est Gert, assoiffé de pouvoir; lorsque son parti bascule dans l’opposition, il se sent prêt à prendre la place du leader de son partir et briguer le poste de premier ministre. Oui mais il n’est pas le seul en lice. Des tractations démarrent entre lui et d’anciens ministres tandis que le précédent premier ministre débute aussi une campagne pour reconquérir les électeurs.

Chacun a ses faiblesses, Gert est le plus vil de tous : c’est un ultra violent dès qu’il se retrouve chez lui et, Linda, sa femme, en fait les frais. Un personnage qui s’humanise lorsqu’il rencontre Yasemin, une jeune femme intelligente d’origine turque qui devient son attachée parlementaire. Parmi les autres personnages, Charlotte, responsable sur les sujets environnementaux, croit dans sa mission et n’adhère pas aux manœuvres des autres comme Per et Meyer.

Une plongée dans les arcanes du pouvoir : des thèmes actuels, des guerres sans merci pour gouverner et des « authentiques » comme Charlotte ou Yasemin.

Le livre est découpé en chapitres qui alternent les points de vue, les passages où Linda se raconte sont poignants.

J’ai aimé les personnages, le sujet et le rythme.

Un pavé de 700 pages qui se lit vite, attention, le terminer devient une obsession, un véritable « page turner ». Je confirme la mention sur la couverture : « suspense politique ».

Un livre passionnant que je vous recommande.

Merci aux Editions Heloïse d’Ormesson.

 

Notation :